Il a plu sur Séville, hier, en fin de journée. Je suis sorti marcher. L'âme un peu nouée par la nostalgie. Remontant la rue Sierpes en direction de la mairie, j'ai en tête un air de Paolo Conte. Personne ne prononce le mot "nostalgia" comme Paolo Conte. Les passants déambulent sous les illuminations de Noël. Le pavé reluit. L'air est doux, qui porte une odeur de pluie et d'oranger. J'aurais aimé connaître la ville au temps de Silverio Franconetti. Après avoir tenu le Burrero en association avec Manuel el Burrero, l'artiste venu d'Italie ouvrit son propre café chantant au centre ville. Toujours une pensée pour mon tout premier séjour à Séville, dans un hotel niché au fond de cette minuscule impasse en angle, le Nuevo Suizo. L'établissement s'enroulait sur deux étages autour d'un patio intérieur où, le matin, le patron s'installait sur un fauteuil. D'en bas, il voyait les deux corridors dont la rambarde de bois courait tout autour des façades où donnaient les portes des chambres. Il fumait un cigare et buvait un anis sec, tandis que les femmes de chambre s'activaient dans les étages. Lorsqu'un client s'en allait, il le saluait, levant la main avec flegme et dodinant la tête, signalant d'une phrase inoubliable qu'il serait toujours là la prochaine fois : aquí estamos, vigilando la limpieza. On est là, surveillant le ménage...
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Au centre de Séville, il n'y a plus de barbier chez qui l'on peut s'arrêter pour se faire rafraîchir les joues en écoutant un voisin jouer la soleá sur la guitare mise à disposition des clients. Il n'y a plus de café chantant, ni de cordonnier, ni de marchand de cigares de La Havane. Il reste un fabricant de chapeaux, une pâtisserie ancienne, peu de boutiques indigènes qui résistent encore un peu au milieu des enseignes que l'on retrouve dans toutes les villes d'Europe colonisées par la burger-civilisation, chaussures, vêtements, vêtements, chaussures, bijoux, parfums, chaussures, vêtements, parfums, bijoux, coiffeurs ladies and gentlemen, restauration rapide, glaces.... qu'importe, ce n'est pas cette Séville-là que je parcours en moi, une dernière fois avant le départ. Je suis à l'écoute d'autre chose. De l'histoire de la ville. De tout ce que j'y ai vécu. De tout ce qu'elle m'a donné encore une fois, pour ce voyage photopoétique. Et l'espoir d'y revenir encore, une avant-dernière fois. La penúltima.
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Je voulais voir le pont de Triana, saluer le Guadalquivir jusqu'à la prochaine, mais, pour les besoins d'un grand spectacle "son et lumière" donné sur le fleuve, des tentures ont été posées sur la berge pour empêcher les passants d'en profiter gratis. Alors, je bifurque. Un coup d'oeil à la Maestranza, la plus élégante arène du monde, à la statue de Curro Romero, et je remonte à travers le quartier d'El Arenal. Sur une palissade de chantier, je tombe sur le motif de ce qui sera la toute dernière photographie de mon voyage. Un portrait de Rafael Riqueni tracé au pinceau noir. Clin d'oeil du duende.
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Matin. Boucler le sac, remettre la guitare dans sa housse. Petit déjeuner au centre du monde, à la table de ma taverne fétiche. Pan tomate con jamón, jus d'orange frais, café cortao... Tout est bien qui finit bien.
FIN